Fédération des Associations Réflexion-Action, Prison et Justice

L’avocat et la garde à vue

2012

La loi n° 2011-392 du 14 Avril 2011 est venue réformer la garde à vue pour imposer, notamment, la présence de l’avocat au cours de toutes les auditions et confrontations, sous l’impulsion de la Cour européenne des droits de l’homme. Les nouvelles dispositions figurent aux articles préliminaires et 62 et suivants du Code de Procédure Pénale.

La loi du 14 Avril 2011 réforme également la retenue douanière et le placement en « chambre de dégrisement ».

I - CONDITIONS

Peut être placée en garde à vue, la personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni de un an d’emprisonnement. Sinon, la personne est considérée comme simple témoin et ne peut être retenue que le temps nécessaire à son audition. La garde à vue doit être l’unique moyen de parvenir aux six objectifs fixés par la loi : Article 62-2 du Code de Procédure pénale : maintenir la personne à disposition pour les phases de l’enquête où sa présence est nécessaire, pouvoir la présenter au Procureur de la République, empêcher que la personne ne modifie les indices matériels, ne se concerte avec ses complices, ou fasse pression sur les témoins, et s’assurer que le crime ou le délit cesse.
Le Code de Procédure Pénale ajoute que le Procureur de la République doit apprécier si « La mesure de la garde à vue est proportionnée à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre ».
La nouvelle loi exclut les gardes à vue en cas de simple contravention.
Enfin, la loi du 14 Avril 2012 précise que la garde à vue doit s’effectuer « dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne ».

II – PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE COMPETENT

Selon le nouvel article 63-8 du Code de Procédure Pénale, le Procureur de la République compétent pour être avisé des placements en garde à vue, en contrôler le déroulement, en ordonner la prolongation et décider de l’issue de la mesure est celui sous la direction duquel l’enquête est menée.
Toutefois, le Procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue est également compétent pour la contrôler et en ordonner la prolongation.

III - DURÉE DE LA GARDE A VUE

La loi nouvelle énonce à l’article 63-1 du Code de Procédure Pénale, que l’heure du début de la garde à vue, est fixée, à l’heure à laquelle la personne a été appréhendée.

- Droit commun :

24 heures renouvelables une fois sur décision écrite et motivée du Procureur de la République (48 heures en tout).
Le renouvellement de la garde à vue au-delà des premières 24 heures n’est plus possible que pour les crimes ou les délits punis d’au moins un an d’emprisonnement (Par exemple : l’outrage, à condition qu’il ne soit pas commis en réunion contre une personne dépositaire de l’autorité publique).

- Criminalité organisée et terrorisme :

24 heures renouvelables trois fois, (4 jours en tout) sur décision du Procureur de la République pour la première, puis du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction pour les suivantes.
Exceptionnellement, en matière de terrorisme lorsqu’un attentat se prépare, une nouvelle prolongation peut être décidée, ce qui porte la durée maximale de la garde à vue à 120 heures, soit 5 jours).

- Mineurs :

Retenue judiciaire de 12 heures pour les mineurs de 10 à 13 ans sur autorisation du parquet ou du juge des enfants : Prolongation exceptionnelle de 12 heures.

24 heures renouvelable une fois à certaines conditions, notamment crime ou délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement, pour les mineurs de 13 à 16 ans.

24 heures renouvelables une fois pour les mineurs de 16 à 18 ans.

IV - INFORMATION DU GARDE A VUE

Dès le début de la garde à vue, la personne doit être informée :

  De son placement en garde à vue, de la durée de la mesure et des prolongations possibles,
  De la nature et de la date présumée de l’infraction soupçonnée,
  De son droit de faire prévenir un proche et son employeur,
  D’être assistée d’un avocat,
  De son droit de se faire examiner par un médecin,
  De faire des déclarations ou de se taire.

Il est à relever qu’aucune peine n’est prévue si la personne refuse de décliner son identité, même si le fait de garder le silence sur celle-ci ne fait en principe pas partie du droit de se taire.

V - DROITS DE LA VICTIME

Le nouvel article 63-4-5 du Code de Procédure Pénale prévoit qu’en cas de confrontation de la victime avec une personne gardée à vue, elle peut demander à être assistée par un avocat choisi par elle ou commis d’office par le bâtonnier. L’avocat peut consulter les PV d’audition de la personne qu’il assiste. La victime peut dans ce cadre bénéficier le l’aide juridictionnelle.

VI - INTERVENTIONS DE L’AVOCAT

Il s’agit de la partie la plus importante de la réforme.

Elles se font à la demande de l’intéressé. Le gardé à vue peut désigner un avocat de sa connaissance ou demander la commission d’un avocat d’office, qui sera joint par tout moyen par l’officier de police judiciaire, dès le début de la garde à vue.
Il est toutefois précisé que la police ou le Procureur de la République peuvent contester le choix de l’avocat en cas de « conflit d’intérêt » et demander la désignation d’un autre défenseur.
Le gardé à vue peut bénéficier :
  D’une part, d’entretiens confidentiels avec son défenseur. Chaque entretien entre le gardé à vue et l’avocat ne peut alors dépasser 30 minutes, l’avocat ayant désormais accès aux PV. Ces entretiens peuvent se dérouler au début de la mesure, sauf report et au début de chaque prolongation.
  D’autre part, d’une assistance constante durant les auditions et confrontations. A l’issue de chacune d’elle, l’avocat peut poser des questions qui peuvent être adressées au client, aux témoins ou aux autres personnes gardées à vue.
A l’issue des auditions et des confrontations auxquelles il a assisté comme de l’entretien de 30 minutes, l’avocat peut présenter des observations écrites, dans lesquelles, il peut noter les questions qu’il souhaitait poser et qui ont été refusées par la police. Ces observations sont ensuite versées au dossier. L’avocat peut aussi transmettre les observations ou la copie de celle-ci au Procureur de la République durant la garde à vue.

- L’avocat à accès à certaines pièces du dossier :
Le PV de notification de garde à vue,
Le certificat médical
Les PV d’auditions de la personne qu’il assiste
L’avocat ne peut obtenir de copie de ces pièces, mais il peut prendre des notes.
L’avocat n’a cependant pas accès aux autres pièces du dossier, à savoir le PV d’interpellation ou les déclarations des témoins ou d’autres personnes gardées à vue.

Moments de l’intervention de l’avocat :

 Dans les gardes à vue de droit commun, l’avocat intervient dès le début de la mesure, il peut en outre l’assister à sa demande durant toutes les auditions et confrontations (Article 63-4-2 du Code de Procédure Pénale). A titre exceptionnel, le Procureur de la République peut néanmoins repousser la présence de l’avocat à la 12ème heure, le Juge des libertés et de la détention jusqu’à la 24ème heure, si l’infraction est punie d’au moins 5 ans d’emprisonnement.
 Dans les gardes à vue concernant les infractions relevant de la criminalité organisée : meurtre, torture ou acte de barbarie, traite des êtres humains, destruction, dégradation ou détérioration, fausse monnaie, infractions en matière d’entrée et de séjour irrégulier des étrangers, blanchiment, enlèvement et séquestration, vol en bande organisée, l’intervention de l’avocat peut être reportée à 48 heures.
 Dans les gardes à vue concernant le trafic de stupéfiants et les actes de terrorisme, le report peut aller jusqu’à 72 heures (Article 706-88 du Code de Procédure Pénale).

VII - FOUILLES ET CONDITIONS DE LA GARDE A VUE

Les policiers peuvent prendre des « mesures de sécurité ayant pour objet de s’assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui ». Ces mesures (menottes, etc.) sont précisées par un arrêté ministériel. Parmi celles-ci, la police peut procéder à une « palpation de sécurité » ou à une « fouille intégrale ». Lorsqu’il est « indispensable » pour « les nécessités de l’enquête » de procéder à une fouille intégrale, celle-ci doit « être réalisée dans un espace fermé par une personne de même sexe que la personne faisant l’objet de la fouille ». Comme avant, en cas « d’investigation corporelle interne », il est obligatoire pour la police d’avoir recours à un médecin.

VIII - SUITES DE LA PROCÉDURE

Un procès verbal de fin de garde à vue est établi, dont la loi du 14 Avril 2011 définit précisément le contenu.

  A l’issue de la garde à vue, la personne peut :
Etre remise en liberté, purement et simplement, soit avec convocation à une date précise pour être jugée devant le tribunal dans un délai de 10 jours à 2 mois.

Etre présentée au Procureur de la République, en principe immédiatement, mais dans un délai maximum de 20 heures (article 903-3 du Code de Procédure Pénale), qui pourra :
La remettre ne liberté, le cas échéant avec convocation à une date ultérieure pour être jugée devant un tribunal dans un délai de 10 jours à 2 mois,
Décider de sa comparution immédiate devant le tribunal correctionnel, qui doit normalement avoir lieu le jour même. Le Procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention pour une mise en détention provisoire, qui ne pourra excéder 3 jours (Article 396 du Code de Procédure Pénale).
Requérir l’ouverture d’une information judiciaire ; le prévenu est alors présenté au juge d’instruction qui pourra le laisser en liberté pendant l’instruction ou bien saisir le juge des libertés et de la détention pour une mise sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire.

  Si, à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de la fin de la garde à vue, la personne n’a pas fait l’objet de poursuites, elle peut interroger, par lettre recommandée avec demande d’AR, le Procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue s’est effectuée sur la suite susceptible d’être donnée à la procédure (Article 77-2 du Code de Procédure Pénale). Cette procédure est inapplicable en matière de criminalité organisée.

IX - UNE PROCÉDURE POUR SÉJOUR IRRÉGULIER NE PEUT PAS JUSTIFIER UNE GARDE A VUE

En application d’un arrêt de la Cour de justice de l’union européenne datant de 2011, la Cour de Cassation interdit la garde à vue pour le seul motif du séjour irrégulier.
La Cour de Cassation, a conclu le 5 Juillet 2012 que le séjour irrégulier d’un étranger en France ne peut suffire à le placer en garde en vue. Les magistrats de la première Chambre Civile ont ainsi suivi l’avis de la Chambre Criminelle, émis il y a un mois.

X – QUE FAIRE SI UN PROCHE EST EN GARDE A VUE ?

Un parent peut avoir assisté à l’interpellation, soit encore avoir été averti par un appel téléphonique du commissariat.
La famille peut essayer de s’informer du lieu de la garde à vue, mais la police n’est pas tenue de dire où la personne gardée à vue se trouve, mais la famille peut téléphoner aux commissariats et s’y rendre. Quand la personne est localisée, il est possible d’essayer de lui faire parvenir de la nourriture, de la boisson.
Il est possible de faire parvenir à la personne gardée à vue les coordonnées d’un avocat.
Si la famille connait un avocat, celui-ci peut se rendre au commissariat pour demander à voir la personne gardée à vue.
Un membre de la famille peut demander à ce que la personne gardée à vue voit un médecin (Article 63-3 du Code de Procédure Pénale).

XI – DISPOSITIONS DIVERSES

Articulation entre chambre de sûreté et garde à vue :

Le placement en chambre de sûreté n’est pas une garde à vue.
La loi nouvelle réglemente précisément la rétention en chambre de sûreté ainsi que l’articulation de cette mesure avec une garde à vue.
Ainsi, un nouvel article L. 3341-1 du Code de la santé publique prévoit qu’une personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics est, par mesure de police, conduite à ses frais dans le local de police ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu’à ce qu’elle ait recouvré la raison.
Lorsqu’il n’est pas nécessaire de procéder à l’audition de cette personne immédiatement après qu’elle a recouvré la raison, elle peut être placée par un officier ou un agent de police judiciaire sous la responsabilité d’une personne qui se porte garante d’elle.
En outre, la loi du 14 Avril 2011 a introduit un nouvel article L. 3341-2 dans le Code de la santé publique, qui prévoit que lorsqu’il est mis fin à la rétention en chambre de sûreté de la personne, si les conditions de la garde à vue sont réunies, sont placement en garde à vue n’est pas obligatoire dès lors qu’elle n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu’elle a été informée qu’elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie.

Réforme de la retenue douanière :

- Conditions de la retenue douanière :
L’article 323-1 du Code des douanes prévoit désormais que les agents des douanes ne peuvent procéder à l’arrestation et au placement en retenue douanière d’une personne qu’en cas de flagrant délit douanier puni d’une peine d’emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l’enquête douanière.

- Durée de la retenue douanière :
La durée de la retenue douanière ne peut excéder 24 heures. Toutefois, la retenue peut être prolongée pour un nouveau délai de 24 heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du Procureur de la République, si les nécessités de l’enquête douanière le justifient. L’autorisation est accordée dans les conditions prévues au titre de la garde à vue.

- Contrôle de la retenue douanière :
Dès le début de la retenue douanière, le Procureur de la République dans le ressort duquel est constaté le flagrant délit en est informé par tout moyen. Il est avisé de la qualification des faits qui a été notifiée à la personne. Le Procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne.

- Droits de la personne placée en retenue douanière :
La personne placée en retenue douanière bénéficie du droit de faire prévenir un proche ou son curateur ou son tuteur, de faire prévenir son employeur, d’être examinée par un médecin et de l’assistance d’un avocat dans les conditions définies pour la garde à vue.


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