Fédération des Associations Réflexion-Action, Prison et Justice

La correctionnalisation des crimes

2014

Elle consiste à considérer qu’est un délit un fait qui se trouve être un crime. La correctionnalisation est le fait de faire juger un crime, qui relève normalement de la Cour d’Assises, par un Tribunal correctionnel.
Elle concerne souvent des viols et des vols aggravés.
Il existe deux sortes de correctionnalisation :
  La correctionnalisation législative, quand le législateur décide de rétrograder un crime en délit en diminuant la peine encourue ;
  La correctionnalisation judiciaire, quand le(s) magistrat (s) d’une affaire déforme(nt), volontairement la réalité des faits, en les minimisant. Cela consiste à oublier une circonstance aggravante, ou un élément constitutif du crime, ou encore à méconnaître les principes de cumul d’infractions

I. LA DECISION DE RECOURIR A LA CORRECTIONALISATION

L’acteur principal de la correctionnalisation est le procureur de la République. En effet, en sa qualité d’unique détenteur de l’opportunité des poursuites, c’est à lui que revient l’initiative de prendre cette décision. Mais le juge d’instruction ou la Chambre de l’instruction peuvent être amenés à utiliser également ce procédé.

II. LES PROCEDES DE CORRECTIONNALISATION

Il existe plusieurs procédés de correctionnalisation.
  Les magistrats négligent les circonstances aggravantes :
Le délit était un crime en raison des circonstances aggravantes. En les ignorant, le crime apparaît comme un délit. Par exemple, un individu a commis un vol qualifié crime, c’est-à-dire un vol accompagné d’une circonstance aggravante (vol commis avec usage ou menace d’une arme).En oubliant une des circonstances aggravantes, le Parquet poursuivra le délinquant du chef de vol simple, ce qui ne constitue qu’un délit correctionnel.

  En cas de cumul idéal d’infraction, seule la moins grave est retenue car elle constitue un délit qui sera jugé par le tribunal correctionnel. Par exemple, délit d’escroquerie commis à l’aide du crime de faux en écritures publiques ou authentiques : le magistrat ne retient que l’escroquerie.

  Les magistrats opèrent une disqualification des faits. Par exemple, tentative de meurtre disqualifiée en délit de coups et blessures volontaires, en écartant l’intention de donner la mort.

III. LES RAISONS DU RECOURS A LA CORRECTIONNALISATION

S’agissant de la correctionnalisation législative, elle est utilisée pour court-circuiter le jury populaire qui est souvent imprévisible, notamment dans l’hypothèse des crimes passionnels où il est fréquent que le jury se prononce en faveur de l’acquittement. Par conséquent, le fait de recourir à la correctionnalisation permet de s’assurer que l’auteur des faits sera jugé par des juges professionnels qui seront sans doute plus rigoureux qu’un jury populaire.
Pour ce qui est de la correctionnalisation judiciaire, elle permet de ne pas encombrer les Cours d’Assises.
Si souvent cette faculté de correctionnaliser un crime peut paraître très injuste pour la victime de l’infraction qui souhaitait le voir comparaître devant une Cour d’Assises, la mise en œuvre de ce procédé peut s’avérer utile lorsque la victime elle-même peut y avoir intérêt : la victime désire minimiser la médiatisation du procès.

IV. LA VALEUR DE LA CORRECTIONNALISATION

Il s’agit d’un procédé illégal. Elle nécessite d’ailleurs le consentement de toutes les parties qui peuvent soulever l’incompétence de la juridiction lorsqu’elles refusent la correctionnalisation.
Elle comporte cependant plusieurs avantages ;
  Elle peut éviter les acquittements trop nombreux, propres à certaines formes de criminalité.
  Le jugement devant le tribunal correctionnel est plus rapide et moins onéreux qu’une procédure devant la Cour d’Assises.

V. LA CORRECTIONNALISATION A L’AUDIENCE DE LA COUR D’ASSISES

La correctionnalisation judiciaire se produit avant le jugement. Elle peut également avoir lieu, lors du procès, devant la Cour d’Assises. Elle est alors parfaitement légale.
Par exemple, dans le cas d’un crime de vol de nuit, perpétré avec violence et effraction, crime que le Parquet n’aurait pas correctionnalisé, on suppose que la Cour d’Assises et le jury, ayant répondu affirmativement sur le fait principal de vol, nient la circonstance aggravante de violence pour éviter à l’accusé l’application d’une peine trop sévère. Du fait de cette réponse négative, le crime se transforme en simple délit correctionnel, que la Cour d’Assises est compétente pour juger en vertu de sa plénitude de juridiction.

VI. LA CONTESTATION DU RECOURS A LA CORRECTIONNALISATION

La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité dite « Loi Perben II » est venue restreindre la possibilité de la contestation d’une correctionnalisation.

En effet, la loi prévoit que si les parties ne contestent pas la qualification correctionnelle donnée aux faits lors du règlement d’instruction, ces parties ne pourront plus le faire devant le Tribunal correctionnel. Une fois que le renvoi devant le Tribunal correctionnel est décidé par le Juge d’instruction ou la Chambre de l’instruction, ni les parties, ni le tribunal lui-même ne peuvent invoquer le caractère criminel des faits.
Des exceptions sont prévues, notamment lorsque la victime ne s’est constituée partie civile qu’après la clôture de l’instruction, elle pourra alors soulever l’incompétence devant la juridiction de jugement.
Il existe une deuxième exception, lorsque le Tribunal correctionnel était saisi pour un délit intentionnel mais qu’il apparaît au regard des débats que les faits s’avèrent criminels car intentionnels.

VII. QUE PENSER DE LA CORRECTIONNALISATION ?

Cette pratique fait l’objet de vives controverses. Certains considèrent qu’elle constitue une interprétation de la loi, notamment de l’article 40 du Code de Procédure Pénale ayant pour conséquence la dénaturation d’une infraction pénale criminelle en un délit. D’autres en revanche, la trouvent contestable car cela va à l’encontre de différentes règles de fond et de forme :
  Sur le fond : les textes prévoyant les incriminations ne sont pas respectés.
  Sur la forme : les règles de compétence entre la Cour d’Assises et le tribunal correctionnel.
Ces règles sont d’ordre public, c’est-à-dire que les parties ne sont pas en droit de déroger à ces règles. De plus, les juridictions doivent vérifier d’office leur compétence, car ces règles entraînent la nullité de la procédure et de la décision rendue.
La question qui se pose est celle de savoir si ce procédé qu’est la correctionnalisation n’est pas de nature à opérer une banalisation de la gravité de certains faits, faits qualifiés de crime par la loi.
En effet, l’auteur du crime voit son infraction perdre en terme de gravité, donc la peine qui sera prononcée sera nécessairement moins forte que la peine criminelle.

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