Fédération des Associations Réflexion-Action, Prison et Justice

Les mesures de sûreté post-condamnation

2013

Des dispositions touchant au traitement de la récidive et à l’introduction dans notre droit de la rétention de sûreté par la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale renforcent la répression pénale concernant les majeurs et les mineurs. La rétention de sûreté consiste dans le placement de personnes étant jugées, à la fin de l’exécution de leur peine prononcée pour un crime particulièrement grave, comme présentant une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité, en centre socio-médico judiciaire de sûreté dans lequel leur est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette mesure.
La mesure de sûreté diffère de la peine en ce qu’elle ne vise pas à punir le coupable d’un acte délictueux, mais à prévenir les troubles à la société qui pourraient être causés par une personne en « état dangereux ».
Plusieurs mesures dites de sûreté, applicables à la sortie de prison, peuvent être ordonnées soit dès le départ par la juridiction de jugement, soit avant la libération par le Juge de l’Application des Peines :
  La surveillance judiciaire,
  Le suivi socio-judiciaire,
  La surveillance de sûreté,
  La rétention de sûreté.

Par ailleurs, un placement sous surveillance électronique mobile peut être ordonné, à la sortie de prison, dans le cadre de différentes mesures :
  La surveillance judiciaire,
  La surveillance de sûreté,
  La libération conditionnelle,
  Le suivi socio-judiciaire.

I – LA SURVEILLANCE JUDICIAIRE

Textes applicables : Articles 723-29 à 723-37, D. 147-32 à D. 147-41 du Code de procédure pénale.

Définition
La surveillance judiciaire est une mesure de sûreté prononcée à la libération du condamné, et destinée à prévenir la récidive de « personnes dangereuses » condamnées pour crime ou délit grave.

Conditions
Les conditions suivantes doivent être réunies :
  avoir été condamné à une peine privative de liberté égale ou supérieure à 10 ans ;
  avoir été condamné pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio judiciaire est encouru
  présenter un risque de récidive avéré, constaté par une expertise médicale.

Le détenu ne peut pas être placé sous surveillance judiciaire s’il avait été condamné à un suivi socio judiciaire ou s’il a bénéficié d’une libération conditionnelle. En revanche, en cas de révocation de la libération conditionnelle, à sa libération le détenu après réincarcération pourra être placé sous surveillance judiciaire.

Décision
Dans l’année qui précède la date prévue pour sa libération, et si le détenu remplit les conditions pour être soumis à une surveillance judiciaire, le greffe transmet la copie de la fiche pénale au Procureur de la République.

Le Procureur de la République apprécie s’il convient de demander le prononcé d’une surveillance judiciaire. Il peut s’opposer à un projet en cours de libération conditionnelle.
Le détenu est soumis à une expertise médicale. Si cette expertise conclut à la dangerosité du condamné et constate un risque de récidive avéré, le Procureur requiert du juge de l’application des peines (JAP) le placement sous surveillance judiciaire.
Si le détenu a été condamné pour des faits commis avant le 14 décembre 2005, il peut demander une contre-expertise laquelle ne peut pas être refusée.
La surveillance judiciaire est prononcée par le JAP ou par le tribunal de l’application des peines (TAP) si la personne a été condamnée pour des faits commis avant le 14 décembre 2005 et par jugement après débat contradictoire.
Le détenu doit obligatoirement être assisté d’un avocat lors de l’audience devant le JAP ou le TAP.

Exécution de la mesure
La surveillance judiciaire permet de soumettre le condamné à diverses mesures et obligations, précisées dans le jugement du JAP ou du TAP.

  Les mesures de contrôle applicables pour le sursis avec mise à l’épreuve de l’article 132-44 du Code pénal ;
  Les obligations prévues pour le sursis avec mise à l’épreuve, aux 2ème, 3ème, 8ème, 9ème et 11ème à 14ème de l’article 132-45 du Code pénal ;
  Les obligations prévues pour le suivi socio judiciaire ;
  Le placement sous surveillance électronique mobile ;
  Les obligations prévues pour toute libération sur crédit de réduction de peine.

En cours d’exécution, le JAP peut modifier, par ordonnance motivée, ces obligations.

Durée
La durée de la surveillance judiciaire est fixée par le JAP ou le TAP dans la limite maximum de la durée du crédit de réduction de peine et des réductions de peine supplémentaires dont le détenu a bénéficié.

Si la réinsertion du condamné paraît acquise le JAP peut à tout moment, par jugement rendu après débat contradictoire, mettre fin à la mesure.
Le JAP peut prolonger la durée de la mesure, dans la limite du crédit de réduction de peine.

Les sanctions
En cas d’inobservation des mesures et obligations prévues, le JAP peut retirer tout ou partie des réductions de peine accordées.

Le JAP pourra délivrer un mandat d’amener, ou d’arrêt si la personne est en fuite.
Sa décision devra intervenir dans les 24 heures de la rétention après arrestation. Si la personne ne peut pas être présenté immédiatement au JAP, le juge des libertés et de la détention pourra ordonner la réincarcération jusqu’au jugement du JAP.

II – LA SURVEILLANCE DE SURETE

Textes applicables : Articles 706-53-13 à 706-53-21, 723-37, 723-38, 763-8 du Code de procédure pénale.

Définition
La surveillance de sûreté consiste en un ensemble de mesures de contrôle et d’obligations qui s’appliquent à la libération.
Elle a pour objectif principal d’éviter la récidive.
Elle s’exécute en milieu ouvert, après l’exécution d’une surveillance judiciaire, d’un suivi socio-judiciaire ou d’une rétention de sûreté.

Les conditions
Il faut une condamnation à une peine de réclusion criminelle de 15 ans minimum pour certains crimes :
  quand la victime est mineure : l’assassinat, le meurtre, les tortures ou actes de barbarie, le viol, l’enlèvement ou la séquestration ;
  Quand la victime est majeure : l’assassinat, le meurtre, les tortures ou actes de barbarie, le viol, l’enlèvement ou la séquestration, dès lors que ces infractions ont été commises avec une ou plusieurs circonstances aggravantes.

Le contenu
La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles de la surveillance judiciaire, et notamment une injonction de soins et un placement sous surveillance électronique mobile.

La surveillance de sûreté peut être prononcée selon deux procédures distinctes
  Si elle fait suite à une rétention de sûreté, la décision est prise par la juridiction régionale de la rétention de sûreté lors de l’audience relative au maintien ou au renouvellement d’une rétention de sûreté.
  Si elle fait suite à une surveillance judiciaire ou à un suivi socio-judiciaire, 6 mois avant la fin de la mesure, le JAP ou le procureur de la République peuvent saisir la juridiction régionale de la rétention de sûreté.

Cette juridiction ne pourra décider du placement sous surveillance de sûreté que si :
une expertise médicale a constaté la persistance de la dangerosité du condamné ;
les obligations résultant de l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) apparaissent insuffisantes ;
la surveillance de sûreté est l’unique moyen d’éviter la récidive dont la probabilité est très élevée.

La surveillance de sûreté est prononcée pour un an, renouvelable chaque année sans limitation
La procédure de renouvellement se déroule dans les mêmes conditions que la procédure de placement initial.

Les décisions de placement en surveillance de sûreté, ou celles relatives à un renouvellement, peuvent faire l’objet de recours
Ces recours sont identiques à ceux prévus pour la rétention de sûreté.

III – LE PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ELECTRONIQUE MOBILE (PSEM)

Textes applicables : Articles 131-36-9 à 131-36-13 du Code pénal / Articles 706-53-13, 706-53-19, 723-37, 723-38, 763-10 à 763-14 du Code de procédure pénale.

Définition
Le PSEM est une mesure permettant de suivre les déplacements d’une personne, à distance et en temps réel, à l’intérieur de zones géographiques pré déterminées.
Cette mesure est applicable après la libération.

Les cas
  Il faut avoir été condamné à une peine au moins égale à 7 ans d’emprisonnement et à un suivi socio-judiciaire (SSJ) :
Soit le PSEM aura été ordonné par la juridiction de jugement ;
Soit le PSEM pourra être ordonné par le JAP ultérieurement comme obligation nouvelle dans le cadre du SSJ.
Dans ces deux cas, les faits ayant entraîné la condamnation doivent avoir été commis après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 1998.
  Il faut avoir été condamné à une peine au moins égale à 10 ans d’emprisonnement, relative à une infraction pour laquelle le SSJ est encouru :
Soit le JAP soumet le condamné à une surveillance judiciaire comportant un PSEM
Soit le condamné ne respecte pas les obligations de la surveillance judiciaire à laquelle il a été soumis et dans ce cas le juge pourra lui imposer un PSEM
  Il faut avoir été condamné à une peine au moins égale à 7ans d’emprisonnement relative à une infraction pour laquelle le SSJ est encouru : la soumission à un PSEM pourra être l’une des conditions à l’octroi d’une libération conditionnelle.
  La personne a été condamnée à une peine au moins égale à 15 ans de réclusion criminelle, relative à une infraction permettant le prononcé d’une surveillance de sûreté : une surveillance de sûreté peut comporter un PSEM.

La procédure suivie
Un an au moins avant la date de la libération :
  le JAP doit demander l’avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ;
  un examen de dangerosité est effectué par deux experts ;
  le service pénitentiaire d’insertion et de probation effectue une enquête socio-éducative, et une enquête de faisabilité technique.

Le condamné doit consentir par écrit à la mesure, et au préalable, il doit avoir été informé sur le dispositif, son fonctionnement et sur les sanctions encourues en cas de refus.
La décision est prise dans les mêmes conditions que pour les autres mesures de sûreté.

La durée
Si le PSEM prend place dans un suivi socio-judiciaire, une surveillance judiciaire ou une libération conditionnelle, la durée est de :
  pour un délit : 2 ans renouvelable une fois (soit 4 ans maximum) ;
  pour un crime : 2ans renouvelable deux fois (soit 6 ans maximum).

Si le PSEM prend place dans une surveillance judiciaire et que le détenu a été condamné à une réclusion criminelle au moins égale à 15 ans pour l’une des infractions de l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale, la durée du PSEM peut être identique à celle de la surveillance judiciaire.

Si le PSEM prend place dans une surveillance de sûreté, la durée est de un an renouvelable sans limitation.

Le contenu de la mesure
La personne porte un « émetteur » et un « récepteur ».
Ce matériel est installé au plus tard une semaine avant la libération.
Une alarme se déclenche, transmise à un pôle centralisateur et de contrôle, dès que les obligations prescrites ne sont pas respectées.
La personne peut faire l’objet d’un mandat d’arrêt et d’une réincarcération immédiate.

IV – LA RÉTENTION DE SÛRETÉ

Textes applicables : Articles 706-53-13 à 706-53-21 du Code de procédure pénale.

Définition
La rétention de sûreté est une mesure de placement dans un centre fermé « socio-médico-judiciaire de sûreté » dans lequel est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique.
Cette mesure de sûreté est applicable à la libération.
Elle a pour objectif principal d’éviter la récidive.

Les conditions
Le condamné doit présenter « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’il souffre d’un trouble grave de la personnalité ».

Le dispositif rend ainsi possible un enfermement à vie , pour toute personne condamnée à une peine d’au moins 15 ans de réclusion pour certains crimes déterminés par la loi, à condition que la cour d’assises l’ait prévu dans sa condamnation initiale :
  quand la victime est mineure : l’assassinat, le meurtre, les tortures ou actes de barbarie, le viol, l’enlèvement ou la séquestration ;
  quand la victime est majeure : l’assassinat, le meurtre, les tortures ou actes de barbarie, le viol, l’enlèvement ou la séquestration, dès lors que ces infractions ont été commises avec une ou plusieurs circonstances aggravantes.

La première rétention de sûreté ne serait donc effective, au plus tôt, que dans 15 ans.
Le condamné ayant bénéficié d’une libération conditionnelle ne pourra pas faire l’objet d’une rétention de sûreté, sauf si elle a fait l’objet d’une révocation.

La procédure
Au-delà de sa durée (la rétention de sûreté est décidée pour une période d’un an renouvelable indéfiniment), la question de l’appréciation de la « dangerosité » du condamné pose question. Selon la loi, elle devra être constatée à la suite d’un placement dans un service pluridisciplinaire, assorti d’une expertise psychiatrique réalisée par deux experts psychiatres.

La décision sera prise par une juridiction régionale de la rétention de sûreté, après un débat contradictoire au cours duquel le condamné aura droit à l’assistance d’un avocat et pourra demander une contre-expertise.

Les recours
Un recours pourra être intenté devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, puis dans un second temps, devant la Cour de cassation.

Les peines ne sont pas les seules dispositions du Code pénal, il existe aussi des mesures de sûreté qui ont une fonction de réadaptation similaires aux peines. On peut remarquer que ce vocable de mesure de sûreté apparaît de plus en plus souvent.

Les différentes mesures de sûreté, par nature, réduisent la personne au concept de dangerosité comme seul but de protéger la société d’un danger, alors que la « dangerosité » des personnes demeure un concept extrêmement flou qui pourtant sert de justification à nombre de dispositifs répressifs.

Documents à télécharger

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