Journée d’étude et de réflexion - Sortir de prison : comment réussir l’après ?
La Halle Pajol 75018 PARIS
Publié par Admin1, le 1er août 2024.
Journée d’étude et de réflexion - Sortir de prison : comment réussir l’après ?
Ouverture et présentation du thème et des enjeux de la journée
Irène CARBONNIER, présidente, accueille les participants à cette journée d’étude et de réflexion. Marie-Odile THEOLEYRE présente le thème ‘’Sortir de prison : comment réussir l’après ?’’ qui est aussi celui des 30èmes journées des prisons JNP 2023. Elle invite les participants à interagir à la suite des intervenants.
La journée est structurée en 4 temps :
1. la préparation à la sortie : le rôle de la famille et de l’environnement proche
2. le rôle des acteurs institutionnels : les SAS et le PE
3. la préparation de la personne elle-même à partir de ses besoins et attentes
4. les acteurs de l’accompagnement
Marie-Odile THEOLEYRE et Lise CHARVET se sont relayées pour l’animation de la journée, l’introduction et la conclusion étant confiées à Guy AURENCHE, « Grand témoin » de la journée. Guy AURENCHE 4 : À la suite de quelques observations sur l’état déplorable des prisons, la Charte des Droits de l’Homme comme construction permanente (proclamation de la dignité du genre humain et refus de la déshumanisation par l’étiquetage mais risque d’un « devenir indigne » de nos sociétés), souligne la fierté d’être des acteurs et/ou témoins de ce moment particulier qu’est la sortie de prison et la nécessité d’être compétents dans la spécificité de l’action menée – d’où l’utilité de ce colloque –, notre grand témoin invite à réfléchir au témoignage suivant : « Je suis heureux de sortir (de détention) mais sachez qu’on ne sort jamais de prison » à l’occasion de cette journée d’étude et de réflexion, qui doit être une célébration de la vie, pas celle où il n’y a pas de problème, mais de celle qui se construit chaque jour.
La préparation de la sortie : le rôle de la famille et de l’environnement proche
Dominique LACAILLE intervient sur la place et le rôle du visiteur de prison, parfois la seule personne que le détenu va associer à ses réflexions. Il construit une relation que personne d’autre ne peut exercer. La confiance s’établit vite : écoute, non-jugement, intérêt à l’autre… Aussi ce rôle, attendu de lui, d’introduire à l’intérieur, un peu de dehors.
La sortie est toujours une préoccupation car la personne sait qu’elle va retrouver la vie civile dans une position fragilisée.
Force est de constater que la personne détenue n’arrive pas à se forger une idée…Encore moins, à construire une méthode d’approche pour sa sortie. ‘’Comment préparer l’après’’, thème de ce colloque, fait un tout avec ‘’comment préparer la sortie elle-même’’, Comme s’y préparer ? Elle oblige à intégrer la peine comme un fait qui va se terminer mais qui ne va pas s’effacer’’.
La sortie est un fait jamais vécu. ‘’Je ne sais pas comment je vais me débrouiller. Il faut que je me prenne en main et ça fait 10 ans que je n’en ai plus la possibilité’’.
Au gré des rencontres, le visiteur aide à prioriser les sujets…Les vêtements que la personne mettra ce jour-là, les objets qu’il emportera, qui viendra le chercher ? où aller… Première étape…
Il ouvre des champs de réflexion :
– La sortie, moment de passage d’un monde connu à un monde que j’ai connu mais qui m’est devenu inconnu,
– La sortie : le fait de quitter un contexte que je n’ai pas voulu et pas aimé mais où j’ai des repères, pour un monde dans lequel je n’ai plus de repères,
– La sortie, c’est parfois se confronter à des êtres qui m’ont été chers mais qui ne le sont plus,
– La sortie c’est être quitte d’une peine imposée, qui m’a marqué et ne me quittera pas,
– L’après, c’est retrouver une place parmi les autres, comme les autres…
Sur la place de la famille dans la préparation à la sortie, Michel MASCARAS relève qu’il y a une mosaïque de situations familiales très diverses, mais peu d’études sur le sujet : beaucoup de femmes et de familles instituées (type ASE) visitent leur détenu au parloir mais beaucoup de liens se délitent ou cessent. 300 000 personnes sont, à tout moment, concernées par la détention d’un proche dont 20 000 femmes et 70 000 enfants7. Dès les premiers mois, 10% de ruptures des liens, 20%, la 1ère année, 25% à 2 ans puis 40% à 5 ans.
Différents types de liens sont maintenus : parloirs, UVF, correspondance, téléphone (réglementé ou sauvage), assistance financière, juridique, mais aussi apporter du linge, parfois parfumé pour retrouver l’odeur de la maison. Il y a aussi l’appartenance à des milieux sociaux particuliers (« effet tribus »), parfois les relations sont ambigües, voire toxiques et le détenu peut souhaiter y mettre un terme.
Ainsi, la relation avec les proches ne peut s’aborder de manière homogène et appelle des savoir-faire spécifiques.
Plusieurs interventions prolongent ce propos sur :
– La différence de situations vécues entre maison d’arrêt et centre de détention ? (M. DEN HARTOG),
– La place du visiteur de prison après la sortie (C. VILMER et M-O. THEOLEYRE),
– Les autres types d’association qui agissent sur ce thème (B. LECOGNE).
L’institution pénitentiaire dans son soutien à la préparation à la sortie : les structures d’accompagnement à la sortie dites SAS
Karine LAGIER : Je suis ravie d’être parmi vous aujourd’hui. Je dirige les Baumettes depuis 16 mois environ, suis passé avant en administration centrale et hors AP, ainsi qu’en maison d’arrêt, des femmes, des mineurs, etc.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention les témoignages précédents qui sont d’une profondeur qui résonne car je rencontre toujours les personnes détenues. Le cœur de mon métier, c’est la détention. Je rencontre toutes les semaines des personnes détenues, sans marcher sur les plates-bandes de mes personnels, mais je rencontre souvent des situations difficiles. Je rencontre également régulièrement des familles. Il y a toujours des structures qui accueillent les familles : par exemple aux Baumettes, il y a une structure de REP, permettant aux enfants de visiter leurs parents lorsque l’autre membre de la famille ne veut ou ne peut pas venir. Il y a également une action pour voir ses enfants au gymnase, ce qui permet de construire une relation complètement différente. Forcément, l’AP travaille avec des partenaires car elle ne peut pas travailler seule. L’établissement que je dirige aujourd’hui comptera 1 400 détenus (700 places déjà ouvertes, puis 700 de plus à venir), sans doute plus en fait, mais c’est un établissement construit pour de l’encellulement individuel.
Je vais maintenant vous parler des SAS, structures particulières récentes que j’ai dirigée à Poitiers et qui existe également aux Beaumettes. Avant, il y avait des QSL, Quartier de préparation à la sortie, etc.
Les structures d’accompagnement vers la sortie dites SAS
• Programme immobilier président de la République 15 000 places
Doctrine SAS nouvelle : 8/12/2021
• Création des SAS : 2 100 places soit 23 SAS
• 181 établissements pénitentiaires au niveau national (MA, CD, MC)
• 1ers SAS de France : CE/CP Baumettes (2019) puis Poitiers (2020)
I/ Pourquoi des SAS, quelle identité ?
1) Structures intermédiaires entre milieu fermé et milieu ouvert, rattachées à un établissement pénitentiaire
• Objectifs : favoriser l’autonomie et la responsabilisation de la personne détenue (recrutement sur la base du volontariat)
• Renforcer le sens et l’utilité des courtes peines
• Aider à la préparation à la sortie de personnes condamnées à des peines inférieures à 2 ans (ou reliquat)
2) Implantation en milieu urbain, pour faciliter l’accès aux acteurs locaux et sociaux participant à la préparation à la sortie
La structure de Marseille, d’environ 80 places, bénéficie de 3 CPIP pour 70 personnes, ce qui n’est pas du tout le taux d’encadrement qu’on trouve ailleurs.
II/ Le public cible nouveau
Le public est différent de celui du quartier ‘’sortants’’ : personnes condamnées majeures à des peines inférieures à 2 ans avec objectif de prévention de la récidive, d’individualisation des prises en charge pour un public :
• Risque d’évasion faible,
• Besoin d’accompagnement soutenu pour préparer la sortie
• Capacité à vivre en collectivité en raison du fonctionnement du SAS
III/ Les axes de prise en charge individualisés
• Un suivi individualisé en MA par SPIP, une évaluation individualisée avant l’arrivée en SAS, puis tout au long du parcours en SAS
• L’affectation en SAS dépend de l’AP et non de l’autorité judiciaire
• L’individualisation du régime de détention (évaluation des aptitudes des personnes à vivre en collectivité, etc.)
• Si comportement inadapté, certaines restrictions d’horaire d’accès aux espaces collectifs, par exemple, peuvent être prononcés
• La prise en charge individualisée est renforcée, et ce que la personne obtienne ou non une mesure de l’AP
• Le programme de prise en charge comprend un socle commun portant sur :
• La réceptivité de la personne et sa motivation pour le changement
• Le développement des capacités propres pour éviter la réitération de son comportement délinquant
• Son insertion sociale et/ou professionnelle
• L’apprentissage des règles de savoir vivre et travail sur le respect de l’autre
Puis chaque SAS va proposer des prises en charge complémentaires pour travailler sur :
• Les addictions,
• Les violences conjugales,
• La parentalité,
• etc.
IV/ La plateforme de préparation à la sortie
L’accès aux droits sociaux à travers l’installation d’une plateforme de préparation à la sortie accessible aux détenus : emploi, hébergement, droits sociaux
• Accès internet
• Intervention des acteurs sociaux : CAF, points d’accès aux droits, CCAS, préfecture, etc.
• Permanence des acteurs ou forum
Puis développement de permission de sortir dans le cadre de la préparation à la sortie pour développer un projet.
V/ La vie en collectivité en SAS
• Autonomie avec facilités de déplacement (clé de la cellule, horaires larges, …)
• Prise des repas en commun
• La mixité est possible et doit être favorisée par les activités de groupe
• Maintien des liens familiaux (parloirs au sein des SAS)
• L’accès au téléphone et internet : par exemple, aux Beaumettes, création d’adresses électroniques spécifiques pour chaque détenu sur une plateforme.
VI/ Relation avec l’autorité judiciaire
• Formalisation d’un protocole : l’arrivée dans ces SAS est déconnectée de la décision du JAP, c’est le directeur qui décide de l’affectation en SAS.
• Échanges réguliers sur les programmes de prise en charge développés en SAS
• Commission d’application des peines organisée au sein des SAS.
VII/ Les personnels travaillant en SAS
• Une direction assurée par CSP, DSP ou DPIP placés sous l’autorité du CE,
• Équipe pluridisciplinaire dans le recrutement, l’évaluation et le suivi des détenus disposant de fiches de poste spécifique,
• Spécialisation des acteurs, du surveillant pénitentiaire au CPIP
• Organisation pluridisciplinaire et transversale du travail :
• Développement des postures de travail visant à favoriser des relations positives avec les personnes détenues
• Travail coordonné autour d’une prise en charge individualisée
• Dimension éducative du métier de surveillant (entretiens, animation d’activité seul ou en binôme avec CPIP, participation aux instances pluridisciplinaires).
VIII/ L’accès aux soins
• Création d’unité sanitaire (Loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale)
• Développement des permissions de sortie médicales.
IX/ L’enseignement
• Assuré par l’Éducation nationale
• Convention nationale E-Nale / justice du 15 octobre 2019 pour une prise en charge individualisée et modulaire.
X/ Les autres activités
• Professionnelles (certification possible) :
◦ le restaurant ‘’les beaux mets’’ a ouvert fin 2022
◦ lieux fictifs (certification aux métiers de l’audiovisuel
• Emploi au service général
• PPAIP (programmes personnalités d’accompagnement d’accompagnement à l’insertion professionnelle).
Quel bilan de lutte contre la récidive ?
• La DAP a mis en oeuvre des indicateurs nationaux de suivi des SAS qui recensent
◦ Le taux d’occupation (80%)
◦ Le nombre d’incidents (faible), le nombre d’exclusion
◦ La provenance des entrants au SAS : MA (peu de CD)
◦ Leur quantum de peine (< 1an)
◦ Leur reliquat de peine ( 6 mois).
• Les SIAE (structures d’insertion par l’activité économique) permettent le suivi dedans / dehors des publics, par exemple, pendant 6 mois dans le cadre des mesures prononcées en MO ou en suivi post-libération
• Régime de prises en charge attractif pour la personne sous main de justice (liberté dans le régime de détention, plus grand nombre de permission de sortir)
Nombreux publics cibles : personnes détenues en difficulté par rapport à la préparation à la sortie. Les limites : les étrangers, les prises en charges sanitaires, les cas d’évasion)
« Les Beaux Mets » La SAS de Marseille concerne une dizaine de détenus en aménagement de peine. Ils tiennent leur propre restaurant ‘’Les Beaux Mets’’, hors même la prison. Les détenus se chargent de la confection des plats, du service en salle (60 places). Ces détenus ont bénéficié d’une formation diplômante dispensée par l’Agence Nationale pour la formation professionnelle. La plupart ont réussi leur examen et pourront, à leur sortie, être rapidement employés. Les retours de cette mesure sont encourageants pour le développement de nouveaux projets similaires.
La contribution des associations à la préparation à la sortie : le placement extérieur (PE)
Franck BACQUET explique que le service de placement extérieur (PE) mis en œuvre dans le cadre du projet associatif de La Sauvegarde 26 voté en 2013 fait l’objet d’une convention avec la DFPIP Drôme/Ardèche et la DISP de Lyon : le premier PE ayant démarré en juillet 2014, la convention porte aujourd’hui sur l’accueil de 20 PE, soit une file active d’une quinzaine d’hommes venant des établissements pénitentiaires de Valence et Privas, voire d’autres maisons d’arrêt ou centres de détention (uniquement trois femmes depuis la création de notre service). Il s’agit d’accueillir les personnes les plus fragiles, les plus vulnérables qui sont identifiées en détention, d’éviter « à tout prix » une sortie sèche, facteur important de récidive, de redonner à ces personnes une dignité d’homme en posant sur elles un regard d’humanité au quotidien. Ces personnes sont orientées par le SPIP milieu fermé ou présentent des candidatures spontanées, après une période plus ou moins longue de détention. Nous ne les jugeons pas sur la nature de leurs délits. Poser un regard de non-jugement sur la personne est un axe majeur de l’accompagnement quelle que soit la nature de son délit. Notre projet de service porte sur trois axes majeurs :
1. L’insertion par le logement
Nous gérons un parc locatif d’une vingtaine d’appartements. La Sauvegarde 26 signe un bail avec le propriétaire (bailleur privé essentiellement). L’appartement est mis à disposition. Au bout du 2nd mois, il est demandé une participation financière à la personne, appelée quote-part de loyer. Possibilité de mise en place d’un bail glissant en fin de prise en charge afin que la personne reprenne à son nom l’appartement mis à disposition = Dispositif IML (intermédiation locative).
2. L’accompagnement social renforcé
La personne accueillie n’a plus rien, ni liens sociaux, ni lien familial, plus de logement, plus de revenus, de travail. Régulièrement, elle n’a plus de carte d’identité, voire de carte vitale, plus de compte courant. Un retour vers le droit commun s’engage au quotidien. Nous travaillons aussi avec elle à la reconstruction du lien familial, véritable levier de résilience. La plupart des personnes en placement extérieur sont des pères. Nous allons nous appuyer sur d’autres services éducatifs et notamment des espaces-rencontres pour médiatiser et retisser, petit à petit, le lien avec le ou les enfants qu’ils n’ont pas revus depuis plusieurs mois voire années.
3. L’insertion professionnelle
La force du projet réside dans un partenariat renforcé avec l’association d’insertion, XP2i qui est conventionnée Atelier & Chantier d’Insertion. Dès le lendemain de leur sortie de détention, la personne travaille. Dans le meilleur des cas, elle signe un CDDI (CDD d’insertion) de 26 heures hebdomadaires, ou elle est en stage au sein de l’association XP2i, véritable partenaire associatif dans notre projet. Nous nous appuyons aussi d’autres partenaires SIAE (structures d’Insertion par l’activité économique), notamment les chantiers d’insertion qui sont des dispositifs adaptés au retour à un travail progressif pour ces personnes.
4. Autres axes importants de notre accompagnement :
▪ Participation aux dommages & intérêts : Les placés ont été condamnés au pénal mais ils le sont aussi au civil…L’importance pour eux dans ce long et laborieux chemin de reconstruction d’entamer un remboursement (partiel) des parties-civiles. Avec leur accord, pour ceux travaillant au sein de l’ACI XP2i, nous mettons en place une saisie sur salaire et l’employeur paie mensuellement et directement au créancier.
▪ Suivi psychologique : La plupart des personnes en placement extérieur ont une obligation de soins. Nous mettons en place des entretiens individuels tous les 15 jours avec une psychologue libérable. C’est un effort financier considérable pour l’association mais nous constatons que ce travail d’introspection est essentiel dans la reconstruction de la personne.
▪ Les contrôles téléphoniques : Depuis la création du service et en accord avec le SPIP, nous avons mis en place des contrôles téléphoniques avec l’installation de lignes fixes dans chaque appartement. Nous vérifions l’assignation à domicile après 19h. C’est une obligation majeure de cet aménagement. Mais, ces appels sont souvent le lieu d’avoir un lien « consolidé ». Certes, il arrive parfois aussi qu’en cas de non-respect de cette obligation (ou d’autres obligations), nous soyons contraints d’engager auprès du SPIP et du JAP un projet de réintégration (suspension de la mesure).
En conclusion, quelques éléments de réflexion sur cet aménagement de peine :
– La préparation de « l’après-PE » : Perte d’un cadre sécure et contenant.
Directeur Prévention insertion formation de l’association Sauvegarde 26
– Comment la puissance publique accompagne financièrement les associations désireuses de se lancer dans cette « belle aventure » ? Nous avons mis 10 ans à trouver un équilibre financier. La dotation de l’IML a permis d’équilibrer notre budget qui était chaque année déficitaire. Pour rappel, le prix de journée est de 45 € en sud-Drôme (car comprenant aussi une restauration à la pause méridienne) et 40€ en nord-Drôme.
– Nous sommes des tisseurs d’espérance auprès ces personnes qui sont les « indésirables » de notre société aujourd’hui. Construire l’espérance jour après jour…
Plusieurs interventions prolongent la contribution de Franck BACQUET.
– Il y a des similitudes entre les personnes en PE et les ados qui ont besoin d’être accompagnés : ils ont besoin d’un cadre qui va les contenir et leur permettre de se reposer (F. GROLEE),
– A la question (M-O. THEOLEYRE) relative aux logements, il est précisé que l’association a établi une base contractuelle avec un bailleur social auquel elle loue des logements avec l’autorisation de les sous-louer, en prévision10 de baux glissants futurs. La fiabilité de l’association est essentielle.
– A la remarque que la surpopulation en détention appelle une régulation (B. LECOGNE), Mme K. LAGIER précise qu’à Marseille, l’autorité judiciaire est ouverte à toutes les propositions du champ associatif en aménagement de peine.
– Au niveau national, il apparait que les protocoles locaux de régulation carcérale, les aménagements ab initio et les mesures d’assignation à résidence pour les entrants n’ont pas beaucoup d’effets.
Besoins et attentes de la personne, avant et après la sortie
Yazid KHERFI11 relate son « vécu personnel » : jeune, il a effectué plusieurs années de prison car il avait, à l’époque, une envie réelle de devenir un délinquant, un caïd. ‘’J’avais choisi de devenir délinquant parce que je n’existais pas et que je n’étais pas aimé’’. ‘’Mes qualités n’intéressant personne, alors j’ai plutôt misé sur mes défauts’’.
Cependant, il a eu le ‘’bon réflexe’’ d’utiliser sa détention pour se former, faire des études, passer des examens… et les réussir.
Educateur, titulaire d’un DESS en ingénierie de la sécurité, il a été directeur d’une maison de jeunes mais est surtout ‘’médiateur tout-terrain’’. Son propos vigoureux se veut porteur d’espoir. Il se présente comme le produit de 2 concepts : la confiance en soi et l’estime de soi, un processus de désistance.
Il veut transmettre avec les bénévoles de son association et ses étudiants en travail social, dans ses dialogues avec ‘’les jeunes des cités’’, que la délinquance n’est ni une solution ni une fatalité et qu’en sortir est possible.
Complétant ce propos, Ludovic DARDENNE fait un parallèle entre les mots attente et attendre car, dit-il, les personnes détenues passent leur temps à attendre. Ainsi, comment redevenir acteur, le moment venu, dans la cité ? Pour cela, il faut créer des ponts, que l’extérieur entre dans la prison et qu’un continuum s’établisse entre la condamnation, la peine, la prison, l’après, c’est-à-dire la vie civile. Cela s’effectue dans un processus d’escalier aux marches toutes différentes et avec parfois des marches qui redescendent…Il n’y a pas toujours le désir de prendre cet escalier.
Notant que beaucoup de personnes sortant de prison sont « multi-confrontées » à beaucoup de freins sociaux et de santé, dès lors mobiliser une envie, avoir un déclic et un regain d’énergie parfois bien enfouie, exprimer une demande sont compliqués.
L’association Permis de construire qui s’adresse aux personnes sorties, croit cependant au processus de désistance qui s’appuie sur le fait que c’est la personne elle-même qui choisit de changer de vie. L’association n’est pas inscrite dans le cadre judiciaire d’obligations.
Cette association met en oeuvre un module ‘’Se bâtir ensemble’’ avec des travailleurs sociaux qui intègrent des temps et des rythmes très différents d’une personne à une autre. La personne accompagnée y est envisagée dans sa globalité avec une attention portée au bien-être physique (santé, addictions…) et psychologique.
Les acteurs associatifs de l’accueil et de l’accompagnement à la sortie
Michelle BUCILLAT explique que le MRS, association régionale implantée en Ile-de-France, intervient auprès des personnes détenues majeures, sorties depuis moins de 6 mois ou encore sous main de justice, orientées par les CPIP, sur la base de volontariat.
La spécificité de l’intervention du MRS est l’accompagnement, préparé dès la détention, par des bénévoles (une cinquantaine actuellement) soutenus par des travailleurs sociaux.
L’intervenante constate beaucoup de freins pour les personnes qui doivent penser à la sortie : comment obtenir une carte nationale d’identité ou de séjour ? Comment accéder à un hébergement, puis après un logement ? Comment vivre avec ses soucis de santé (addiction, troubles psychologiques, symptômes psychiatriques) et puis les liens avec les CPIP qui sont toujours à reconstruire. Beaucoup sont marqués par le désarroi, l’inquiétude et de l’appréhension tout en en rêvant.
Dès le jour de la sortie, la personne peut bénéficier d’un des 38 logements de MRS et de son service de domiciliation16. C’est ainsi, que chaque année, c’est près de 850 personnes sortant de prison qui bénéficient des services de l’association.
Plusieurs interventions questionnent ou complètent ce propos :
– La difficulté des petites associations, notamment d’accueil des familles, pour recevoir et aider les personnes sortant de prison du fait de la baisse du nombre de bénévoles, interrogeant en cela leur pérennité par contraste avec d’autres acteurs ayant des salariés (M-O. THEOLEYRE)
– Éviter que l’isolement de la prison ne se transforme en un isolement dans son studio…
Spécificités de l’accompagnement à la sortie dans les outre-mer
Arlette SUZANNE veut témoigner de la situation des départements antillais d’Outre-Mer, qu’elle dépeint comme ‘’plus difficile’’ que celle de la métropole.
La maison d’arrêt du quartier Champigny à Ducos (Martinique) comprend 796 places mais fait l’objet d’une surpopulation conséquente, notamment du fait des trafics maritimes et des passeurs qui détruisent leurs cartes d’identité pour ne pas être reconduits vers leurs pays d’origine, notamment ceux des autres iles caraïbéennes.
Les sorties sèches sont donc nombreuses et sans solution. Dans les Antilles, il n’y a pas le même maillage qu’en métropole et le renvoi des étrangers a peu de résultat.
Le maillage associatif est mobilisé mais est constamment à reconstruire. Celui-ci s’efforce de répondre à nombre de besoins. Malgré cela, Arlette SUZANNE interroge la dignité humaine des personnes incarcérées : ‘’sont-ils des numéros, des cas, des personnes…’’
Pas facile vu que la Martinique est le ‘’point de touche’’ de tous les trafiquants et que d’y être arrêté permet d’accéder à la France et à l’Europe, même avec un statut hors-cadre légal. Elle cite en exemple la présence en prison de 250 saint-Luciens18 et de nombreux habitants de l’ile de la Dominique.
Synthèse de la journée : quelle place de la société civile dans le processus de réinsertion ?
Pour Guy AURENCHE, il ne saurait être question de conclure. Il y a tant à dire encore. Quelques remarques à propos de cet échange très riche et engagé, voire engageant pour nous tous. Oui, comme l’a dit l’une de vous, « Le sac de riz s’est bien rempli ! ». Le mot « sauvé » a été utilisé : Pour moi il ne signifie ni miracle ni fin des problèmes. Mais « Grâce à l’accompagnement, je suis sauvé parce que je ne suis plus seul ! Briser la solitude du sortant de prison. Un vaste projet. J’ai été frappé par :
1. Dehors-dedans-dehors, un va et vient continuel. Oui il faut tenir les deux bouts et savoir qu’il y a des reculades. L’image du « sas » a été évoquée, et elle me semble parlante : un lieu aux conditions particulières dans lequel l’on pénètre pour en sortir vers un ailleurs, un autrement. N’est-ce pas l’itinéraire du sortant de prison ? Oui ça bouge, grâce à l’effet de levier que peut représenter l’action d’accompagnement du sortant. Un levier, parfois modeste, mais en direction d’un ailleurs, d’un monde différent. Celui d’un monde en liberté. Non paradisiaque, mais réhumanisateur.
2. Accompagner c’est offrir une démarche de responsabilisation. Face à la peur de soi même qu’éprouve le sortant. Face au sentiment « d’invisibilité » qu’il ressent : « A quoi puis-je encore servir ? » Apprendre au sortant à découvrir « ce qu’il pourrait apporter à la société ». Qui n’est pas du tout en attente à son égard.
3. Ne pas ignorer les « freins » à l’action d’accompagnement, voire de préparation à la sortie de prison. Ne pas oublier l’a priori négatif de la majorité de la société envers le sortant de prison. Alors chacune de nos associations ou institutions se doit de se demander comment, à côté de son action spécifique auprès du sortant, elle peut agir directement ou indirectement pour changer peu à peu les mentalités. Comment mettre en avant les « réussites » qui sont nombreuses. Non par orgueil mais pour montrer à la société, qui est plutôt dans la crainte, que la sortie peut se bien passer et même être bénéfique pour la société. Sans omettre les actions que nous pouvons mener, à divers niveaux auprès des autorités politiques, pour qu’elles n’hésitent pas à s’engager sur un terrain qui n’est pas du tout électoral, mais essentiel pour la vie du sortant et le bénéfice de la société.
4. Ensemble. De nos échanges et des témoignages partagés il ressort à l’évidence qu’il nous faut accentuer la volonté de travailler avec d’autres, sans pour autant perdre la spécificité de l’apport que peut faire notre organisme. Surtout ne pas opposer le rôle des institutions publiques à celui de la société civile. Oui il existe une véritable complémentarité et la qualité desdites relations doit être améliorer. J’ai aimé que l’on utilise à plusieurs reprises les mots « la famille- les familles » comme une aide précieuse pour le sortant. Bien sur la famille par le sang ou conjugale ; mais aussi des « familles » comme des lieux où le sortant peut reprendre vraiment goût à la fraternité. Ce n’est pas un slogan, mais un but pour favoriser cette sortie et ses après. L’un des témoins, ancien détenu, interrogé sur le pourquoi de son travail de témoignage auprès des jeunes et ailleurs, répondait : « parce que je vous aime bien ! ». Oui cher.e.s ami.e.s, les choses peuvent changer pour les sortants de prison, sans minimiser les difficultés ni les changements à opérer. Oui les choses peuvent changer. Il s’agit d’une question de dignité humaine. Et vous savez le prix que j’y attache. Alors je n’ai pas peur d’ajouter : Oui les choses sont en train de changer. La présidente clôt la journée d’étude et de réflexion et remercie les intervenants et participants.